En 1788, Madame de Staël a vingt-deux ans lorsqu'elle publie ses Lettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques Rousseau. Elle reconnaît en celui-ci un génial penseur, un « père spirituel » même, et un modèle littéraire dans son souci de raisonner sans se départir de sa sensibilité. Chez Rousseau comme chez Madame de Staël, les personnages, notamment féminins, sont animés d'une grande sensibilité et capables d'effusions pleines de lyrisme, en proie aux tourments de leur époque en se heurtant à la quête, toute nouvelle, du bonheur domestique. Les peintres, comme Greuze, s'emparent du même thème et montrent des corps animés tout entiers de leurs emportements, des visages bouleversés et en larmes. La musique retentira plus tardivement de ces transports si personnels : il est vrai qu'à l'époque, les compositeurs sont plus occupés à fournir les cérémonies républicaines...
Des œuvres lyriques peu connues de cette période transitoire qui prétigure le romantisme, Tom Jones de Philidor, Œdipe à Colone de Sacchini, Stratonice ou Ariodant de Méhul, portent pourtant en elles ces nouveaux accents d'une émotion longtemps contenue.